C’est à  Paul Watzlawick que revient le mérite d’avoir apporté des éléments déterminants pour la compréhension du processus de changement. Ses apports, fruits d’un travail interdisciplinaire, ont permis la mise en œuvre d’une nouvelle pédagogie du changement.

Deux types de changements

Bateson distingue deux types de changement dans les systèmes humains : le changement qui intervient à l’intérieur d’un système, qu’il nomme le changement 1, et le changement qui affecte et modifie le système lui-même, qu’il appelle le changement 2.

Le changement 1: l’homéostasie, le maintien de l’Équilibre

Le changement 1 est celui qui permet l’Équilibre du système : la modification s’opère simplement au niveau des Eléments du système.

L’homéostasie d’un système réside dans son aptitude à exercer des phénomènes auto correcteurs sur les éléments internes ou externes qui menaceraient son équilibre. La boutade, « plus ça change et plus c’est la même chose », que l’on entend fréquemment dans les cafés et les cantines au sujet des mesures prises par la direction d’une entreprise ou d’un gouvernement, traduit parfaitement combien les changements opérés n’aboutissent qu’à des solutions de niveau 1: solutions qui, précisément, contribuent à enclencher des mécanismes régulateurs, dits homéostatiques car ils maintiennent le système en son État.

Ce changement est insuffisant car il provoque des « solutions de bon sens » qui créent un peu plus de permanence. Lorsqu’un système humain ne parvient plus à réguler ses échanges par ses mesures habituelles d’autocorrection et d’ajustement et lorsque les « solutions de bon sens » créent un peu plus de permanence, il entre alors en crise cela signifie qu’au sein du systême, des changements d’un autre niveau, le niveau 2, s’imposent et que, s’ils ne sont pas introduits, le systême tombe malade.

Le changement 2 : l’Évolution

Le changement 2 se caractérise par le fait que c’est le systême lui-même qui se modifie ou qui est modifié. L’accès au changement 2 dans un système humain nécessite que les règles qui le régissent subissent des transformations. Et cette modification des règles d’un système humain relève, d’une reconstruction de la réalité, d’un changement de prémisses, voire d’hypothèses de base ou de présupposés.

La métaphore de Paul Watzlawick

Pour rendre plus compréhensibles ces notions, Paul Watzlavick les explicite à travers la métaphore suivante :

Le changement 1 s’apparente à  l’action d’appuyer sur l’accélérateur de la voiture qui permet d’aller plus vite, mais en conservant le même régime.

Alors que le changement 2 correspond à une intervention sur le levier de vitesse, qui, modifiant alors le régime de la voiture, la fera passer à un niveau supérieur de puissance.
Ainsi face à une côte très abrupte (changement de contexte), si le conducteur ne faisait qu’accélérer un peu plus, il n’effectuerait qu’un changement de niveau 1 qui amplifierait le problème car sa voiture finirait sans doute par caler. Dans cet exemple, changer la vitesse pour modifier le régime est un changement 2.

Trois niveaux d’apprentissage

C’est Grégory Bateson qui a mis en lumière comment s’opère l’apprentissage. Ses apports se sont révélés très utiles aux praticiens de la psychothérapie et de l’adaptation pour mettre en œuvre de nouvelles stratégies susceptibles de favoriser le changement. Bateson distingue quatre niveaux d’apprentissages entre lesquels il dégage une notion essentielle, celle de la discontinuité.

Le niveau 0 : l’arc réflexe

Le niveau 0 de l’apprentissage correspond à l’arc réflexe et désigne tous les cas ou un même stimulus provoque systématiquement une même réponse. C’est par exemple le mouvement qui nous fait instinctivement retirer notre main d’une source de chaleur trop vive.

Le niveau 1 : le conditionnement

Le niveau 1 fait référence au conditionnement. Il Évoque la célèbre histoire du chien de Pavlov. L’apprentissage y correspond à un changement dans l’apprentissage O : en effet le chien, qui n’avait pas le réflexe instinctif de saliver au coup de sonnette, va apprendre à saliver lorsque la sonnette tinte. Même si le contexte du coup de sonnette ne change pas, le chien, lui, a appris à modifier une fois pour toutes sa réponse lorsqu’il l’entendra.

Le niveau 2 : apprendre à apprendre

Au niveau 2 de l’apprentissage, il n’y a plus simplement apprentissage d’une réponse systématique à un stimulus, mais transfert du même apprentissage à d’autres contextes. Le sujet apprend à apprendre il est capable de transposer ce qu’il a appris.

L’apprentissage de type 2 s’apparente au processus classique de généralisation, que nous utilisons tous lorsque nous unifions des contextes apparemment différents. Par exemple, si j’ai appris à conduire une voiture, je peux par la suite conduire n’importe laquelle.

Les comportements humains, qui sont à la base de la socialisation de l’individu, peuvent être considérés comme des apprentissages de type 2.

Le niveau 3 : la construction d’une nouvelle réalité

C’est le domaine de la psychothérapie, du développement personnel et de la conduite du changement en entreprise. C’est un indicateur de performance et d’adaptation, qui vise la transformation des mentalités et des comportements. L’apprentissage de niveau 3 résulte d’une nouvelle reconstruction de la réalité. Il s’accompagne automatiquement d’une redéfinition de l’identité de l’individu.

L’apprentissage 3 consiste à modifier les prémisses qui ont gouvernent les apprentissages de type 2 pour générer ensuite des comportements nouveaux plus adéquats.

Selon Bateson, l’individu a besoin d’accéder au niveau 3 d’apprentissage lorsque des contradictions, des inadéquations, des souffrances et des blocages ont été engendrées par des apprentissages de niveau 2. Ainsi lorsque les apprentissages de niveau 2 deviennent inopérants pour l’individu, sources d’enfermement, d’échecs et d’insatisfactions, celui-ci a besoin d’apprendre à changer ses habitudes acquises par l’apprentissage 2, c’est-à-dire à réorienter ses comportements dans des contextes plus appropriés.

La mise en œuvre de l’apprentissage 3 est la plus complexe et délicate car elle relève d’une réinterprétation de la réalité et non de l’effort ou de la volonté. En effet lorsqu’un apprentissage de niveau 3 s’est accompli chez un individu, il s’est produit spontanément, involontairement, intuitivement. Le plus souvent il résulte d’un événement si important dans la vie de celui-ci qu’il génère simultanément un changement automatique de sa vision du monde.

L’apprentissage 3 s’accompagne nécessairement d’une redéfinition de soi-même et, en conséquence, de ceux impliqués dans la situation interactionnelle problématique. L’apprentissage 3 résulte d’une nouvelle construction de la réalité. Il est le fruit d’un recadrage qui en libérant la dimension créative de l’individu générera d’autres réponses, plus appropriées. Les créations artistiques, de même que les grandes découvertes scientifiques, relèvent de l’apprentissage 3.

Toutes solutions issues d’apprentissages 2 vont à l’encontre d’une évolution en générant des changements de niveau 1, niveau qui précisément maintient les situations et renforce l’homéostasie des systèmes.