Le trouble mental considéré comme une maladie

Depuis le début du XIXème siècle, les troubles mentaux ont été considérés comme des maladies. L’étude et le traitement de la « maladie » mentale relevant du domaine médical, ce sont les médecins, les psychiatres qui sont les seuls professionnels autorisés à intervenir pour traiter les symptômes.

Ce choix initial de considérer les troubles mentaux comme des maladies, a eu des incidences considérables :

  • Incidence sur les prémices de pensée et l’approche des troubles:
    • C’est l’individu qui constitue l’objet de travail. Le problème se trouve en lui et c‘est en lui que peut se trouver la source du problème ;
    • C’est un symptôme (manifesté ou caché) qui doit faire l’objet du « traitement » ;
  • Incidence sur les recherches pour le traitement des troubles:
    • Cette approche par le symptôme a entraîné un travail de plus en plus détaillé d’identification et de classification des symptômes.Des manuels de référence (DSM, CIM) ont été élaborés pour les décrire, permettre d’identifier spécifiquement une maladie, classifier les grands types de maladies mentales. A l’aide de ces manuels, les psychiatres peuvent identifier la même maladie à partir des mêmes symptômes. Les patients, peuvent connaître la nature précise de leurs troubles.
    • Cette approche a conduit à privilégier la recherche de modalités de traitement pharmaceutiques et chimiques. En l’absence d’agents externes responsables de ces « maladies » (virus, bactéries ou autres), la recherche et le traitement des problèmes à l’intérieur de l’individu a été privilégié. Les médecins se sont tournés vers des explications génétiques et biochimiques, considérant, par exemple, que certains neurotransmetteurs ne fonctionnent pas correctement suite à des déficiences génétiques. C’est ainsi que la plupart des traitements reposent aujourd’hui sur la découverte et l’utilisation de « principes actifs » capables de corriger des déséquilibres biochimiques au niveau des neurones ou de leurs synapses (en attendant les thérapies géniques et en recourant encore à certains traitements électriques ou même chirurgicaux).
  • Surles implications sociales : même si le diagnostic médical est avant tout censé être un outil de travail pour les psychiatres, il confère un statut social particulier aux personnes « malades mentales ». Celles-ci peuvent, par exemple, bénéficier de congés professionnels, aller dans des établissements de soins spécialisés, recevoir une aide de la sécurité sociale et même se voir traitées différemment des autres si elles commettent un acte répréhensible, ceci en fonction du type de maladie dont elles souffrent.

La communication, matrice de la santé mentale

Au début des années 60, en s’appuyant sur les travaux de Grégory Bateson, une équipe interdisciplinaire de chercheurs, réunie au sein du Mental Research Institute (MRI) de Palo Alto, en Californie, a introduit un autre point de vue sur les troubles mentaux : plutôt que de partir à la recherche de déficiences propres à l’individu, elle proposait de s’intéresser à la façon dont il interagit avec son milieu, à ses capacités d’adaptation. Leur intuition était que le trouble mental pourrait être le produit d’une adaptation dysfonctionnelle aux évolutions de l’environnement.

La jeune équipe du MRI comptait parmi ces membres des noms prestigieux comme Jay Haley, Jules Riskin, Virginia SatirPaul WatzlawickJohn WeaklandDick FischDon Jackson. Ils constituaient ce que Yves Winkin a appelé le « collège invisible ».

Avec Edward T. HallErving Goffman, ils allaient fonder ce que John Weakland a appelé la « nouvelle communication ».

Leurs recherches portaient sur la communication humaine et ses effets au sein des familles et couvraient une vaste gamme de préoccupations :

  • identifier et mesurer les différentes structures de comportements familiaux,
  • clarifier les liens entre les structures interactionnelles familiales et l’apparition de troubles physiques ou mentaux
  • développer et évaluer de nouvelles techniques thérapeutiques novatrices.

Le succès fulgurant du jeune MRI est venu de la construction d’une théorie révolutionnaire sur les origines de la schizophrénie : la théorie de la double contrainte.

A partir de ces premières découvertes, les phénomènes de communication devenaient centraux pour comprendre et traiter les problèmes psychologiques.

Les chercheurs commençaient à travailler sur l’hypothèse que la communication était la matrice de la psychiatrie. C’est le travail sur l’interaction (l’étude des relations dans leur contexte) qui primait sur le travail sur l’individu.

Développement de l’approche interactionnelle et stratégique

Depuis 20 ans, cette approche a été largement développée par l’Institut Grégory Bateson de Liège et le Centre de thérapie stratégique d’Arezzo, en Italie.

En prolongeant les travaux de la première équipe du MRI, ces deux centres sont parvenus :

  • à identifier trois grandes logiques de construction des troubles mentaux ;
  • à partir de ces trois logiques, à construire une méthodologie performante de résolution des problèmes humains, individuels ou collectifs.